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La création monétaire :

L’offre de monnaie est la quantité de monnaie détenue par les agents.
Offre de monnaie = pièces de monnaie et billets + dépôts à vue bancaires.
M                      =                  C                  +                  D
L’offre de monnaie est déterminée par la politique de la banque centrale, mais aussi par le comportement des ménages et des banques commerciales. La création de monnaie est très différente selon que l’on se trouve dans un système avec réserves intégrales (A) ou avec réserves fractionnaires (B). C’est dans ce dernier cas qu’apparaît le multiplicateur de crédit.


A – Le système bancaire avec réserves intégrales
Supposons que dans une économie sans banques, les pièces et billets en circulation constituent la totalité de la monnaie. Supposons qu’elle soit égale à 1 000$.
Introduisons maintenant les banques, mais des banques dont le seul rôle est de conserver en toute sécurité l’argent que les gens déposent auprès d’elles : elles ne reprêtent pas cet argent.
Réserves bancaires = partie des dépôts constitués auprès des banques que celles-ci ne prêtent pas.
Système avec réserves intégrales = 100% des dépôts reçus par les banques sont placés en réserve et y restent jusqu’au moment où un retrait est effectué ou un chèque émis.
Supposons que la population dépose la totalité des 1 000$ auprès de la Primobanque.
La Primobanque ne consent pas de prêts.

Bilan d’une banque avec réserves intégrales
Actif (ce qu’elle possède)
Passif (ce qu’elle doit)
Réserves 1 000$
Dépôts 1 000 $

Quelle est l’offre de monnaie dans cette économie ?
Avant la création de la Primobanque, O de monnaie = 1 000$ = pièces et billets en circulation.
Après la création de la Primobanque, O de monnaie = 1 000$ = dépôts.
Chaque $ déposé dans une banque réduit la monnaie en circulation de 1 $ et accroît les dépôts de 1 $. L’offre de monnaie reste inchangée.
Si les banques détiennent 100% des dépôts sous forme de réserves, le système bancaire n’affecte pas l’offre de monnaie.

B – Le système bancaire avec réserves fractionnaires

Système avec réserves fractionnaires = les banques se mettent à prêter une partie de leurs dépôts. Ceci intéresse les banques car elles peuvent prélever un taux d’intérêt sur les prêts consentis. La banque ne doit conserver en réserves qu’une partie des dépôts, pour permettre à ses clients d’effectuer des retraits lorsqu’ils le souhaitent.
            Supposons ici que le coefficient de réserves – la partie des dépôts conservée par la banque au titre des réserves – soit de 20%. La Primobanque conserve donc 200$ et prête les 800 restants.

Bilan d’une banque avec réserves fractionnaires
Bilan de la Primobanque
Actif
Passif
Réserves 200 $
Prêts 800 $
Dépôts 1 000 $

En prêtant 800$, la Primobanque accroît l’offre de monnaie d’un même montant. Après le prêt, l’offre de monnaie est de 1 800$ : le déposant dispose de 1 000$ et l’emprunteur de 800$.
=> Dans un système avec réserves fractionnaires, les banques créent de la monnaie.
            Cette création monétaire ne s’arrête pas à la Primobanque. L’emprunteur va utiliser les 800$ pour payer des tiers (fournisseurs) qui les déposent à leur tour, par exemple dans une autre banque, la Duobanque. Celle-ci conserve 20% sous forme de réserves (160$) et prête à son tout 640$. La Duobanque crée 640$ de monnaie.

Bilan de la Duobanque
Actif
Passif
Réserves 160 $
Prêts 640 $
Dépôts 800 $

            Ces 640$ seront à leur tour déposés auprès de la Triobanque, celle-ci en conservera 20% en réserves, soit 128 $ et pourra prêter 512 $, accroissant d’autant l’offre de monnaie.
            Ce processus se poursuit indéfiniment, mais il ne crée pourtant pas une quantité infinie de monnaie. En notant r le coefficient de réserves, on peut calculer la quantité totale de monnaie qui sera crée par un dépôt initial de 1 000 $ :
Dépôt initial          = 1 000 $
Prêt de la Primobanque = (1-r).1 000 $
Prêt de la Duobanque = (1-r)².1 000 $
Prêt de la Triobanque = (1-r)3.1 000 $
Etc.
graphic
Offre totale de monnaie = 1 000 [1 + (1-r) + (1-r)² + (1-r)3 + … + (1-r)n ] = 1 000 [ [1/1-(1-r)] = 1 000(1/r) 
Note : la somme d’une série géométrique infinie, pour x compris entre –1 et 0, est
1 + x + x² + … = 1/1-x
Comme r = 0.2, 1/r = 5 et offre de monnaie = 5.1000 = 5 000 $.
Les  1000 $ initiaux génèrent 5000 $ de monnaie.

N.B : le système bancaire avec réserves fractionnaires crée de la monnaie, non de la richesse. Pour l’individu qui emprunte, l’argent obtenu par le prêt constitue une dette vis à vis de la banque ; l’individu n’est pas plus riche. La création de monnaie par le système bancaire accroît la liquidité de l’économie, pas sa richesse.

C – Un modèle d’offre de monnaie avec réserves fractionnaires :
Appelons C la valeur des pièces et billets en circulation, D le montant des dépôts à vue, R le montant des réserves bancaires.
Le modèle comporte 3 variables exogènes :
  • La base monétaire B = C + R. La banque centrale la contrôle directement. On parle aussi de monnaie banque centrale.
  • Le coefficient de réserves r = fraction des dépôts que les banques conservent sous forme de réserves = R/D. Elle dépend des pratiques commerciales des banques et de la réglementation bancaire.
  • Le coefficient d’encaisses c = part de leurs dépôts à vue que les gens souhaitent détenir en espèces = C/D. Il traduit les préférences des gens quant aux formes de détention de la monnaie.
L’offre de monnaie :  Mo = C + D
La base monétaire :  B = C + R
Pour trouver l’offre de monnaie en fonction des 3 variables exogènes, divisons la 1ère équation par la seconde :
Mo/B = C + D / C + R  = (C/D + 1) / (C/D + R/D) = c + 1 / c + r
En déplaçant B vers le membre de droite de l’équation, nous obtenons :
Mo = B . (c + 1)/(c + r)
  • L’offre de monnaie est proportionnelle à la base monétaire.
  • On note m la valeur du multiplicateur monétaire : m = c + 1/ c + r
  • Mo = m.B
  • Chaque $ de base monétaire produit m dollars de monnaie.
  • Voici un exemple numérique tiré de la situation actuelle des USA. La base monétaire est de 500 milliards de $, r = 0.1 et c = 0.6.
m = 0.6 + 1 /0.6 + 0.1 = 2.3.  Offre de monnaie = 500. 2,3 = 1 150 milliards de $.

Les 3 variables exogènes modifient l’offre de monnaie :
  • Toute variation de B entraîne une modification dans le même sens de Mo.
  • Toute baisse de r accroît l’offre de monnaie
  • Toute baisse de c accroît l’offre de monnaie. Mo = C+D ; si S baisse, D augmente et les possibilités de prêts augmentent (si c=0.5, m=2.5)

La banque centrale contrôle l’offre de monnaie, mais indirectement.
Elle agit sur la base monétaire à travers 2 instruments :
- les interventions sur le marché monétaire (open-market) : achats et ventes d’obligations d’Etat par la banque centrale.
Quand elle achète des obligations d’Etat, elle accroît la base monétaire et l’offre de monnaie. 
Quand elle vend des obligations d’Etat, elle diminue la base monétaire et l’offre de monnaie.
C’est l’instrument le plus utilisé.
- le taux d’escompte : taux d’intérêt que prélève la banque centrale quand elle consent des prêts aux banques commerciales. Celles-ci empruntent auprès de la banque centrale lorsque leurs réserves sont insuffisantes pour respecter le coefficient de réserves obligatoires. Plus le taux d’escompte est faible, moins il est coûteux d’emprunter auprès de la banque centrale et plus les banques commerciales ont recours à cette modalité de financement et accroissent l’offre de monnaie.
Elle agit aussi sur les réserves obligatoires : réglementation par laquelle la banque centrale oblige les banques commerciales à respecter un coefficient de réserves minimal.
 Hausse de r => baisse de m => baisse de l’offre de monnaie.
Instrument le moins utilisé de nos jours.

            En dépit de ces 3 instruments, ce contrôle de l’offre de monnaie est imparfait. Les banques ont une certaine liberté dans leurs pratiques commerciales, ce qui explique des variations de l’offre de monnaie non voulues par la banque centrale. Ainsi :
- les banques peuvent décider de détenir des réserves qui dépassent le niveau des réserves obligatoires, ce qui pèse négativement sur l’offre de monnaie.
- la banque centrale ne contrôle pas avec précision les quantités d’argent empruntées par les banques commerciales au guichet de l’escompte.
  

  
L'effet balançoire

Relation inverse entre le taux d'intérêt des obligations et leur valeur. Le taux d'intérêt d'une obligation est fixé définitivement au moment de son émission. Par contre, la valeur de l'obligation varie selon le jeu de l'offre et de la demande. Lorsque le taux d'intérêt des obligations nouvellement émises s'élève (resp. diminue), la valeur des obligations anciennes diminue (resp. augmente). 

Prenons un exemple : en t0, une obligation est émise au taux de 8%. Ce titre, qui a une valeur nominale de 100f  (prix payé par l’acheteur), rapporte chaque année 8f. Si en t1 le taux d’intérêt courant du marché passe à 10%, cela signifie que les nouveaux titres rapportent cet intérêt. Comme il existe un arbitrage incessant sur le marché des valeurs mobilières entre les différentes sortes de titres, l’obligation émise en t0 ne trouvera pas d’acquéreur à son prix d’émission initial : l’acheteur ne tirerait un rendement que de 8% alors qu’il peut obtenir 10% sur le marché des titres nouveaux. Du fait de l’abstention des acheteurs et de la pression des vendeurs soucieux de liquider des titres rapportant si peu, pour acheter les titres nouveaux d’un meilleur rendement, le prix de ce titre va baisser jusqu’à 80f, cours auquel le  rendement du titre ancien sera de 8/80 = 10%, identiques donc à celui des titres nouvellement émis. De manière symétrique, la baisse des taux aboutit à la hausse du cours des titres.
La connaissance de ce phénomène est nécessaire pour bien comprendre les fondements de la demande de monnaie pour le motif de spéculation
            
De façon plus générale, soit c le taux d’intérêt perçu chaque année, c'est-à-dire la valeur du coupon, i le taux d’intérêt courant du marché. La valeur de l’obligation perpétuelle est la somme actualisée au taux courant du marché des revenus futurs encaissés par le propriétaire, soit :

        V = c/1+i  +  c/(1+i)²  + … + c/(1+i)n  (1)

        En divisant par (1+i), on obtient : V/1+i  =  c/(1+i)²  +  c/(1+i)3 + … + c/(1+i)n+1   (2)

       (1) – (2) donne : V – V/(1+i) = c/(1+i) – c/(1+i)n+1  à c/(1+i) quand n à puisque c/(1+i)n+1 à 0

       D’où à la limite : V – V/(1+i) = c/(1+i)
      
       Soit V(1+i) – V = c  => V(i) = c  => V = c/i
    
 

Le théorème de Modgliani-Miller
Le ratio Q de Tobin (1969)

James Tobin, « A general equilibrium approach to monetary theory », Journal of Money, Credit and Banking, n° 1, 1969, p. 15-29.

              Q = valeur boursière de la firme / coût de remplacement du capital

L'idée de base de ce modèle est la suivante : l'entrepreneur investit dans de nouveaux projets si le marché les valorise au-delà de ce qu'ils ont coûté. L'investissement est rentable tant que l'accroissement de la valeur de la firme (le rendement marginal) reste supérieur à son coût marginal.

James Tobin, prix Nobel d’économie 1981, propose de suivre un ratio, dit Q, rapport de la valeur boursière de la firme à son capital au coût de remplacement. En effet, sous l'hypothèse d'efficience du marché boursier, la valeur de marché d'une firme est exactement égale à la somme actualisée de ses flux de profit futurs. Un Q supérieur à 1 révèle que le marché anticipe une profitabilité de l'investissement au-delà de son coût, ce qui entraîne une hausse de l’investissement et l’émission de nouvelles actions. Au contraire, si le ratio Q est inférieur à 1, le marché anticipe une profitabilité de l'investissement inférieure à son coût. Dans cette dernière hypothèse, l'intérêt des actionnaires serait de revendre les équipements existants à leur coût de remplacement. Si cela est impossible, il convient au moins de ne plus investir, et d'amortir progressivement le capital existant.

Tobin propose d’utiliser ce ratio Q comme moyen de théoriser les choix d’investissement. La baisse de Q est un mauvais signal pour l’investissement. Par exemple, de 1999 à 2003, en France le Q de Tobin a chuté continuellement passant de 2 à 1,4.

Cette théorie permet de comprendre plusieurs phénomènes. L'effet du taux d'intérêt sur l'investissement est spontanément intégré par le ratio Q. En effet, les marchés valorisent les entreprises en actualisant leurs recettes futures attendues à l'aide du taux d'intérêt réel ; ainsi, une hausse des taux d'intérêt réduit la valeur actualisée de l'entreprise, et, de ce fait, le cours actuel de ses actions. La variation du taux d'intérêt modifie ainsi la valeur du ratio Q. De même, l’effet d’une variation de l’impôt sur les sociétés va se ressentir sur le ratio Q. La réduction de l’impôt sur les sociétés va entrainer une hausse des bénéfices après impôts, une hausse des dividendes futurs et une hausse de la valeur en Bourse du capital existant, soit au final une hausse de Q et un encouragement à investir aujourd’hui.

Le Q de Tobin permet de contourner le problème de la modélisation des anticipations, puisqu'il utilise les anticipations des agents économiques contenues dans les cours boursiers. Les investisseurs présents sur les marchés boursiers évaluent en permanence les flux de revenus futurs des entreprises, et l'évolution de leurs débouchés. Les cours boursiers, et le Q de Tobin avec eux, fluctuent en fonction de la synthèse qu'ils effectuent de toute l'information disponible.

Il existe effectivement une corrélation entre l’évolution des cours boursiers et les variations de l’investissement et du PIB. Le marché boursier anticipe souvent les variations du PIB. Quand les cours baissent, on peut craindre une récession prochaine. Ex : 1973, 1982, 1990, 2000, 2008. La Bourse est un indicateur très suivi car elle anticipe les variations de l’économie et les données boursières sont disponibles beaucoup plus rapidement que celles du PIB. Mais la Bourse n’est pas un indicateur parfait ; à ce sujet, Paul Samuelson avait déclaré : « Le marché boursier a prévu 9 des 5 dernières récessions ».

Le Q de Tobin présente néanmoins deux limites majeures : il n'est calculable que pour les entreprises cotées. Dès lors, expliquer l'investissement macroéconomique à partir de ce ratio suppose une agrégation des comportements [des entreprises] pour laquelle on fait l'hypothèse que la décision d'investir des plus grosses entreprises est reproduite sur les plus petites. Cette hypothèse apparaît forte. De plus, les marchés boursiers sont parfois affectés par des phénomènes de « bulles spéculatives », qui conduisent à une forte divergence entre les cours boursiers et les fondamentaux de l'économie. Les marchés boursiers connaissent des mouvements plus brutaux et erratiques que l'économie réelle, ce qui peut conduire à un écart temporaire entre le comportement d'investissement prédit par le ratio Q, et celui effectivement réalisé par les entreprises.

On peut aussi inverser le ratio Q de façon à évaluer le marché boursier : un Q élevé serait moins le signe avant-coureur d’une hausse de l’investissement que d’une chute des marchés boursiers. Si le marché boursier évalue la valeur nette d’une entreprise à un montant bien plus élevé que cela lui coûterait de recréer ses actifs, soit ces actifs devraient augmenter, soit l’évaluation du marché devrait diminuer. Selon Andrew Smithers du cabinet londonien Smithers & Co, il est plus probable que ce soit le marché qui se trompe plutôt que les décisions d’investissement des entreprises soient erronées.
  
Sujet de dissertation : la sphère financière est-elle prédatrice de la sphère réelle ?

En ces temps de crise financière, il est de bon temps de distinguer l’économie réelle, celle des usines, des commerçants, des artisans, d’une économie qui ne serait que virtuelle, celle de la bourse, des marchés financiers, des banquiers et des spéculateurs. La première serait vertueuse, utile, efficace, laborieuse ; la seconde, futile, parasitaire, dangereuse, maléfique. L’une créerait de vraies richesses, l’autre ne créerait que des bulles et des crises. Tous les malheurs viendraient des excès de la bourse et des marchés financiers, sans rapport avec la vraie économie, la production, l’investissement, le travail.
Ces marchands d’illusions que seraient les banquiers auraient trompé tout le monde avec leurs artifices à la seule fin de s’enrichir et d’enrichir leurs actionnaires. Leurs méfaits conduiraient inéluctablement à l’appauvrissement des classes laborieuses. La crise des subprimes et le scandale Madoff, du nom de l’ancien patron du NASDAQ à l’origine d’une fraude de plus de 50 milliards de dollars ayant été découverte en décembre 2008, ont renforcé ces préjugés.
Ce sujet nous invite à réfléchir à deux questions : d’abord celle du statut virtuel ou non de la finance ; ensuite celle de l’aspect prédateur de la finance : un prédateur capture et dévore des proies, la sphère financière est accusée de ne rien produire elle-même, de vivre aux dépends des autres secteurs, voire de leur nuire. La finance est-elle l’ennemie ou l’alliée de l’économie ?

I- La logique financière ne correspond pas exactement à la logique industrielle …

La tendance à la financiarisation des économies
Le secteur bancaire a tendance à se développer de manière exponentielle ; ainsi les sociétés financières représentaient 5% du S&P en 1973, 25% en 2007.
En 1980, dans les pays développés, à la création de 1 dollar de PIB correspondait 1.5 dollar de crédit, et les actifs financiers représentaient 100 fois la production de la planète. En 2007, pour 1 dollar de PIB on générait 4.5 dollars de dette, et les actifs financiers pesaient 300 fois la production mondiale.
Le nombre de contrats à terme sur le pétrole a augmenté de 460% au cours des années 2004-2008 alors que le marché physique n’a progressé que de 9%.
Ce phénomène d’économie casino s’est ensuite accentué avec la titrisation qui a créé un montant de titres gigantesque qui ne repose pas sur la réalité. Sur ces marchés dérivés, on négocie facilement 10 à 20 fois les volumes échangés sur les marchés physiques. Dans le cas des subprimes, cela permettait aux banques de se débarrasser du risque

Le temps du marché financier n’est pas celui des entreprises
Les marchés financiers sont très volatiles à court terme, les cours des actions évoluent sans cesse au gré de la moindre information. Par conséquent, les firmes cotées en Bourse sont tentées de rechercher la rentabilité à court terme pour séduire les investisseurs, parfois au détriment de l’investissement et de la R&D à long terme : cf. le débat capitalisme rhénan versus anglo- saxon.
Les marchés financiers incitent les entreprises à « dégraisser » (le downsizing) et/ou à se lancer dans des fusions parfois hasardeuses pour atteindre un retour sur investissement (ROE) élevé. Henri Bourguinat a développé l’idée de tyrannie des marchés financiers. Dans les années 1980 se sont développés les raids financiers dans l’espoir de gains rapides, ce qui a entraîné des restructurations industrielles drastiques avec des coûts sociaux élevés, d’où l’aspect prédateur.
Ambivalence de la Bourse : lieu mythique, temple du capitalisme, mais aussi symbole d’une sphère financière qui inspire de la méfiance. Le contexte des années 1980 était déjà propice à cette critique : la bourse flambe et permet des gains rapides alors que l’investissement est atone, les restructurations industrielles entraînent l’aggravation du chômage. Les adversaires de la Bourse font observer que seules les émissions de titres sur le marché primaire servent au financement, elles représentent moins de 15% du total des transactions.
De plus, depuis quelques années s’est développe la pratique des rachats d’actions par les entreprises : en 2007, les entreprises su CAC 40 ont consacré plus de 19 milliards d’euros au rachat de leurs propres actions, autant d’argent qui n’est pas allé à l’investissement.
            Cette question du temps est magnifiquement illustrée par la question des normes comptables. Le principe comptable de la juste valeur ou valeur du marché vise à plier la comptabilité des entreprises aux impératifs des marchés financiers, en la transformant en baromètre de valorisation au détriment de la fonction de pilotage de l’entreprise par ses dirigeants. Son application extensive introduit de la volatilité dans les comptes et incite à donner la préférence au court terme au détriment des décisions d’investissement de long terme. Est-il bien nécessaire d’enregistrer chaque trimestre les variations de valeur d’actifs destinés à être détenus sur le long terme ?

Volatilité, instabilité, crises
L’arrivée de fonds spéculatifs amplifie les variations de prix des matières premières énergétiques et agricoles ;  jusqu’en juillet 2008 les variations étaient amplifiées à la hausse, ensuite elles furent orientées à la baisse. Cette instabilité des cours incite les producteurs à la prudence pour ne pas se retrouver avec des stocks invendables et nuit aux investissements productifs. Pourquoi investir aujourd’hui dans la production de cacao si demain son prix diminue de moitié ?
La spéculation, inhérente aux marchés financiers, est à l’origine de bulles spéculatives, qui tôt ou tard se transforment en krach, avec des risques de faillite bancaire et de risque systémique (1929). Cela accentue le caractère cyclique de l’économie via les taux d’intérêt et l’endettement. La crise financière de 2008 a eu pour déclencheur une spéculation sur les crédits immobiliers basée sur l’idée de croissance ininterrompue du prix des maisons aux USA. Les mauvaises créances en cascade ont emporté le système bancaire mondial et ont, finalement, crée une récession générale. La faillite financière a contaminé la sphère réelle.
La globalisation financière accroit la transmission internationale des crises et des cycles. Par exemple,  la crise asiatique en 1997 d’origine partiellement bancaire, a eu des répercussions en Russie (crise en 1998) et au Brésil (crise en 1999). On parle d’effet papillon : petite cause, grande conséquence. La crise des subprimes qui a éclaté aux USA en 2007, après avoir fait sentir ses effets sur les pays industrialisés, a des conséquences sur les économies émergentes en termes d’exportations ralenties. 
Les bulles, les krachs, les paniques, sont en grande partie liées au comportement mimétique des agents sur le marché financier : les anticipations se basent plus sur les anticipations des autres que sur les fondamentaux (cf. Keynes et la métaphore du concours de beauté).
            Signalons toutefois que les comportements irresponsables sont en général encouragés voire créés par l’action des banques centrales en raison de taux d’intérêt maintenus artificiellement bas. Ne faudrait-il pas incriminer les banques centrales plutôt que le secteur financier en général ?

  

II- …Cependant, la sphère financière est bien réelle et remplit des fonctions essentielles dans l’économie

La sphère financière n’est pas moins réelle que les autres secteurs de l’économie
Le seul fait de lui attribuer la responsabilité du ralentissement de l’économie prouve au moins qu’elle n’est pas sans liens avec celle-ci. L’effet richesse que provoque l’expansion de la Bourse a pour contrepartie l’effet pauvreté quand elle se contracte. Un examen sommaire du bilan des banques montre même qu’elle en est indissociable : leur passif est composé de la trésorerie et de l’épargne des acteurs de l’économie réelle que sont les entreprises et les ménages, leur actif comprend les créances sur l’économie.
La sphère financière n’est pas déconnectée de la sphère réelle, elle ne fonctionne pas en vase clos.  Quand une entreprise, au lieu d’investir directement, achète des actions d’une autre entreprise, cette dernière devra lui fournir des dividendes, donc avoir une activité, investir, trouver des clients. Au bout la chaîne des actionnaires, il y a toujours une entreprise qui vend des biens et services et doit satisfaire le consommateur. C’est donc lui qui commande aux banquiers. C’est d’ailleurs pour répondre aux demandes de crédit de leurs clients à faible solvabilité que les banques ont inventé les subprimes, incitées à cela pas la législation anti discrimination.
En outre, prétendre que le secteur financier ne crée pas de richesses revient à nier l’évidente prospérité de cités comme Londres, New York, Zurich, Genève, voire d’Etats comme le Luxembourg, qui tirent leur opulence de cette industrie.

La sphère financière est un maillon indispensable du système productif
La sphère financière facilite le financement des entreprises : elle permet la rencontre entre les agents à capacité de financement et les agents à besoin de financement. Les premiers sont souvent les ménages, les seconds les entreprises. L’émission d’actions ou d’obligations permet de drainer l’épargne des ménages (qui se trouve ainsi rémunérée) et ainsi de financer le développement des entreprises. Le grand intérêt de ce type de financement est qu’il n’est pas inflationniste. Les fonds de pension, souvent décriés en France, permettent un apport de fonds massif et avec un horizon de long terme, permettant de stabiliser le capital.
La sphère financière permet aussi de s’assurer contre le risque grâce aux marchés à terme, aux options. Mais ces marchés sont l’objet d’une spéculation qui peut aussi être déséquilibrante. D’où la régulation opérée par la Security Exchange Commission aux USA et l’Autorité des Marchés Financiers en France.
La sphère financière, enfin, contribue à la régulation du management des firmes.  Les marchés financiers sont en effet capables de sanctionner les dirigeants incompétents ; par exemple, les actionnaires de Vivendi ont poussé à la démission son PDG Jean-Marie Messier après une gestion ayant entraîné la firme au bord de la banqueroute. La bourse pousse les managers à agir en fonction de l’intérêt des propriétaires des firmes par le biais des OPA. Ils sont source de motivation pour les salariés via les stocks options ou l’actionnariat salarié.
            
La sphère financière, vecteur d’information
La Bourse donne des informations sur l’économie réelle. Le marché financier intègre toutes les informations passées, présentes et futures sur une entreprise, c’est la théorie de l’efficience des marchés financiers. Le prix d’une action reflète la valeur actualisée des profits anticipés de l’entreprise, donc sa stratégie. La Bourse est le reflet de la santé des entreprises, c’est même un indicateur avancé ; c’est aussi un indicateur qui permet de comprendre et d’anticiper le volume d’investissement des firmes à travers la ratio Q de Tobin.


Conclusion : vers un renforcement de la réglementation ?
La crise de la dette avait déjà amené la mise ne place de ratios prudentiels (ratio Cooke en 1988).
Les scandales, délits d’initiés et manipulations de comptes au début des années 2000 avec la bulle internet (Cf. les manipulations du cabinet d’audit financier et comptable Arthur Andersen avec l’affaire Enron) ont accru la suspicion envers la sphère financière. Ils ont entraîné un renforcement de la réglementation, notamment la loi sur les « nouvelles régulations économiques » en France en 2001, et la loi Sarbannes-Oxley aux USA 2002 qui contraint le PDG et le directeur financier à certifier personnellement les comptes de leur entreprise et vise à séparer les fonctions d‘administrateur et d’audit.
La crise née des subprimes entraînera certainement un renforcement de la réglementation des activités bancaires et des marchés financiers. A ce sujet, Jean-Pierre Jouyet, président de l’AMF, a déclaré dans le Figaro du 16/12/2008, après les faillites du fonds spéculatif TCM (1998), du courtier en énergie Enron (2001), de la banque Lehman Brothers (2008) et du scandale Madoff (2008) : « Pour la quatrième fois, la réglementation américaine est en cause. C’est quand même un sujet d’interpellation. Le laisser-faire, laisser-aller au nom de la compétitivité, de l’innovation financière, de la recherche de certains profits à court terme, trouve ses limites ».