La fable des abeilles : vices privés, vertus publiques (1714)
Mandeville (1670-1733) est un médecin hollandais émigré à Londres en 1693.
On l’a surnommé l’homme diable : man-devil. Son livre fut déclaré subversif par le Grand Jury de Middlesex en 1723.
Il affirme que l’homme est naturellement égoïste, qu’il fait toujours passer son intérêt personnel avant l’intérêt commun. L’homme est un fripon, il n’est pas naturellement bon. L’homme est un loup pour l’homme, comme pour Hobbes. Mais alors que ce dernier proposait la coercition pour imposer la paix civile et la coopération, Mandeville affirme qu’il suffit de laisser faire. Les vices privés (les désirs humains mauvais), laissés à leur libre cours, aboutissent au bien public (l’abondance).
Au contraire, si les membres de la société se montrent vertueux, la société dépérit. Il va montrer cela à l’aide du poème allégorique de la ruche.
La ruche murmurante ou les fripons devenus honnêtes gens
Des millions d’abeilles sont occupées à satisfaire la vanité et l’ambition d’autres abeilles. Le luxe occupe des millions de pauvres, la vanité donne du travail. Les artisans de chaque profession sont tous un peu fripons : les médecins préfèrent la réputation à la science, les soldats tirent au flanc, la justice penche en faveur du riche, etc. Mais la nation est prospère : les vices des particuliers contribuent à la félicité publique. La sobriété des uns facilite la gloutonnerie des autres, l’avarice compense la prodigalité. L’envie stimule la croissance et l’abondance. La société est basée sur le conflit des intérêts.
Mais un jour les abeilles décident de devenir vertueuses. Les débiteurs payent leurs dettes : moins de prêts sont accordés et moins d’intérêts versés. Les employés de justice et des prisons sont licenciés. Les médecins soignent plus rapidement et utilisent de simples plantes comme médicaments. Les prêtres n’engagent plus d’abeilles pour les aider à dire la messe. Une seule personne fait désormais le travail de trois auparavant. De nombreuses abeilles se retrouvent sans occupation.
On fuit la dépense et le luxe, ceux qui en vivaient se retrouvent sans travail. Le prix des palais chute, on abandonne l’architecture. Il n’y a plus de mode, la consommation de vêtements diminue, les ouvriers du textile sont sans travail.
Les abeilles ne cherchent plus la nouveauté, l’ambition, seules les manufactures produisant des biens simples restent. La ruche devient déserte et périclite.
Points communs entre Mandeville et Smith :
Différences :
-
le contenu de l’intérêt individuel : la vanité, le luxe, la fraude, le vice chez Mandeville ; l’effort individuel et le travail chez Smith.
-
La vision de la consommation et de l’épargne : chez Mandeville, la dépense est source de prospérité et l’épargne est négative, idée qui se retrouve chez Malthus et Keynes (qui le cite élogieusement à la page 354 de la Théorie générale); chez Smith l’épargne est une vertu et la source de la croissance.
2) La loi des débouchés :
Say : Traité d’Economie Politique (1803)
« L’offre crée sa propre demande » = les produits constituent leurs propres débouchés.
Explication : quand une marchandise est offerte sur un marché, des salaires, des intérêts, des loyers, des profits ont été versés par l’entreprise à ceux qui ont contribué à cette production. Ces revenus sont perçus par les ménages et se transforment en dépense directement ou indirectement. Utilisation du revenu :
- consommation è dépense directe (satisfaction immédiate)
- épargne è dépense indirecte. Epargne => placement moyennant rémunération (satisfaction future) => l’emprunteur doit utiliser cet argent de manière productive => investissement => dépense
L’épargne est une autre façon de dépenser du revenu (au contraire, pour Keynes l’épargne est une non dépense).
La loi des débouchés de Say
------------------------------èRevenus------------------------è
ENTREPRISES MENAGES
ç--------------------Consommation-----------------------------
ç----------Investissement ç Epargne ç-------------------
Une crise générale de surproduction est impossible. La surproduction n’est possible qu’au niveau sectoriel, pour une durée limitée. Ceci tient à une inadéquation de l’offre qui n’a pas pu suivre l’évolution de la demande. Mais cette inadéquation est provisoire, des entreprises vont se retirer des branches en surproduction pour se porter vers celles où la demande est en expansion. C’est le travail des entrepreneurs de s’adapter à la demande afin de résorber ces déséquilibres. Pour cela il faut une liberté d’entrée et de sortie sur les marchés. Say défend vigoureusement la propriété privée et le libre concurrence.
Postulat :Théorie quantitative de la monnaie :
La monnaie est seulement un intermédiaire des échanges, un lubrifiant des échanges, un voile, elle n’est pas demandée pour elle-même ó les produits s’échangent contre les produits.
Leur analyse est dichotomique :
-
un secteur réel où se fixent les prix relatifs (= rapports d’échange entres les biens) en fonction des conditions de production) ; la monnaie n’intervient pas dessus, elle est dite « neutre ».
-
un secteur monétaire où se fixe le niveau absolu des prix (par la quantité de monnaie).
On retrouve cette loi, sous des formulations différentes, chez Ricardo et Mill.
Malthus a une position opposée mais minoritaire : dans ses Principes d’Economie Politique de 1820 il montre que l’épargne n’est pas forcément un avantage pour la collectivité. L’excès d’épargne peut engendrer un excès de production qui ne peut s’écouler faute de demande.
Idée qui était présente chez Sismondi et qu’on retrouvera plus tard chez Marx et Keynes.
C) L’évolution à long terme du capitalisme :
Les classiques sont plutôt pessimistes, c’est à dire qu’ils ne croient pas à la possibilité d’une croissance indéfinie. Evolution vers un état stationnaire (= croissance 0). Pourquoi ? à cause des problèmes de répartition du revenu entre les classes sociales.
Ricardo est l’architecte principal de ce modèle d’évolution du capitalisme.
Modèle 3.3.3 : 3 classes, 3 lois, 3 principes de détermination des revenus.
3 classes :
-
propriétaires fonciers : perçoivent la rente foncière versée par les fermiers
-
travailleurs perçoivent des salaires
-
capitalistes perçoivent le profit qui rémunère les capitaux avancés
3 lois :
. limitation volontaire des naissances : célibat, mariage tardif, abstinence.
. maintien des inégalités sociales : il ne faut pas assister les pauvres car cela les encourage a procréer et entraîne au final un accroissement de misère pour toute la population.
-
la loi des rendements décroissants : l’expansion agricole ne peut se faire que sur des terres moins fertiles, le rendement a donc tendance à diminuer. La même quantité de capital et de travail sur des terres moins fertiles donnera une production plus faible.
-
la loi de l’accumulation : profits => investissements => croissance
3 modes de répartition du revenu :
-
le salaire : correspond au minimum de subsistance (pour Ricardo, il varie selon les époques et les pays en fonction d’éléments sociaux et historiques)
-
la rente foncière : Ricardo a développé l’analyse de la rente différentielle, fondée sur l’inégale fertilité des terres ; elle apparaît au moment où l’on doit cultiver des terres moins fertiles. Rente = coût d’exploitation de la plus mauvaise terre – coût d’exploitation d’une terre meilleure.
-
le profit : revenu de nature résiduelle = produit total – salaires – rente. C’est « ce qui reste entre les mains des capitalistes une fois que les rentes et les salaires ont été payés ».