Quantitative easing 1 et 2... et la fête à laquelle vous devez absolument participer
▪ QE... Queen Elizabeth : vous voyez ce grand paquebot, vous entendez sa sirène, le quai s'éloigne, au large la mer moutonne, une brise légère se lève déjà, on annonce l'ouverture du buffet et un serveur vous tend une coupe de champagne...
STOP ! Arrêtez de rêver. Non mais, sur quelle planète vivez-vous ! C'est LA CRISE, scrogneugneu. Revenez à la réalité.
QE = quantitative easing. Cette opération consiste pour la Banque centrale américaine à racheter des créances douteuses. La Fed donne du bel argent tout frais tout vert aux banques qui, en échange, lui refilent des mauvaises créances.
L'opération soulage les banques et les prêteurs comme les emprunteurs et soutient le marché immobilier américain. C'est l'équivalent (plus sophistiqué) de l'impression de monnaie, de la création monétaire pure. Le but est de soutenir l'économie américaine et l'immobilier américain.
Une première opération QE1 de 1 700 milliards de dollars s'est achevée en juin 2009.
Une mini-opération (QE1,5) -- passée inaperçue -- a été adoptée le 10 août. Là, le processus était un tout petit peu plus rusé : la Fed fourgue un bon du Trésor (du béton ça, tout le monde en veut) et reprend un crédit hypothécaire (juste avant que l'emprunteur ne meurt). Le vrai QE2 devrait commencer en novembre et rajouter 1 000 milliards de dollars.
▪ Pourquoi recommencer quelque chose qui ne marche pas ?
La Fed elle-même a conclu que le QE était sans effet sur l'économie. L'économiste Ed Yardeni vient d'analyser un rapport signé de Carpenter et Demiralp de la Fed.
Plus grave, ce rapport sème le doute dans le temple keynésien. Il remet en cause le modèle multiplicateur comme quoi 1 $ de dette publique peut créer 1,5 $ de croissance. Il est intitulé "Money, Reserves and the Transmission of Monetary Policy : Does the Money Multiplier Exists ?"
Et figurez-vous un truc incroyable, cher lecteur : la réponse est NON, la multiplication monétaire n'existe pas. Enfin, pas dans la vraie vie.
"Et alors ?", me direz-vous. "Evidemment, nous le savions bien, puisque la dette publique n'arrête pas d'augmenter et qu'à chaque fois, on nous dit que c'est pour investir et que nous allons voir ce que nous allons voir... et que nous ne voyons rien".
Oui, bien sûr, que nous le savons, mais pas les économistes !
Pour eux, c'est l'horreur absolue. Il convient de brûler dans un autodafé purificateur tous les manuels monétaires. C'est la révolution. Les économistes pourraient être contraints d'adopter une véritable démarche scientifique : l'empirisme.
Selon ce principe, toute théorie -- aussi séduisante soit-elle -- doit être abandonnée si elle est infirmée par l'expérience. Le QE n'a pas marché au Japon. Le QE n'a pas marché aux Etats-Unis. Il faut bien se rendre à l'évidence : les pertes ne s'épongent pas avec des dettes.
▪ Le quantitative easing (QE), ça ne marche pas, alors pourquoi se lancer dans une nouvelle vague ? Eh bien, c'est un peu compliqué...
Si l'économie était une science, le keynésianisme aurait disparu depuis longtemps. Mais l'économie est une religion, avec ses prêtres, ses dieux, ses dévots, ses religions, ses chapelles. Dans ce genre de milieu, on accorde beaucoup de crédit aux pêcheurs repentis et convertis.
J'en ai justement un sous la main : Alan Greenspan ex-Grand Gouverneur de la Grande Banque Centrale de l'Empire Américain. Et même Greenspan dit que le QE c'est dangereux !
Je le cite dans une interview du 7 octobre dernier à la CNBC : "la création monétaire doit correspondre à de la richesse créée. Si cette richesse n'a pas encore d'existence concrète, il doit s'agir d'une anticipation correcte de richesse à venir. La banque centrale n'a aucun droit à l'erreur : un mauvais calibrage initial provoquera à terme une inflation impossible à maîtriser".
▪ Mais -- fichtre et diantre -- en attendant le désastre final où va donc cet argent ?
Les banques n'ont aucune intention de prêter pour investir et encore moins de refinancer des emprunteurs qu'elles savent aux abois. Certes, par politesse, elles sont obligées de prendre quelques bons du Trésor lorsque la Fed en émet. On ne mord pas la main qui vous nourrit, même en finance.
Car, surtout, elles gagnent beaucoup d'argent dans les "activités pour compte propre". Comprendre : investir sur les marchés.
▪ Les traders de Wall Street salivent déjà à l'idée du QE2
Donc, vous avez compris : cet argent sert aux banques à faire des bénéfices sur les marchés. Maintenant, mettez-vous à la place d'un trader. Ces types-là ne sont pas complètement stupides. Ils savent très bien que la reprise n'existe pas.
Ils savent très bien que les fusacqs (les opérations de fusion-acquisition) n'ont jamais engraissé les actionnaires, seulement les banques d'affaires et les juristes.
Ils savent très bien que les récents bénéfices des entreprises sont dus à des dégraissages jusqu'à l'os.
Ils savent très bien que, maintenant, pour que les entreprises dégagent encore plus de bénéfices, il faudrait qu'il y ait augmentation des chiffres d'affaires et que c'est mal parti. Les analystes ont revu leur prévision de croissance de chiffre d'affaires du S&P 500 à la baisse (de 7,9% à 7,7%).
▪ Alors ? Quels marchés ?
Les Bourses émergentes, si l'on en croit la dernière note de la Société Générale qui souligne l'afflux de capitaux vers les actions (6,1 milliards de dollars) et les obligations (3,8 milliards de dollars) de ces pays. Et ça en trois semaines, juste à l'annonce du QE2.
Depuis le temps qu'on vous dit qu'il vaut mieux un livret A chinois qu'une SICAV monétaire truffée de produits douteux !
Et pour finir, connaissez-vous le dernier surnom de la Fed ? C'est Feddie par analogie avec Fannie Mae et Freddie Mac. Sauf que Feddie a maintenant beaucoup plus d'actifs douteux que Fannie et Freddie à la belle époque du subprime...
Le QE ça ne marche pas, même quelqu'un avec un QI voisin de celui de l'eau tiède le sait maintenant.