Les créanciers préfèrent l'or
La principale nouvelle ces dernières semaines est la hausse du cours de l'or, qui a dépassé le cap des 1.100 dollars l'once. C'est 10% de plus qu'il y a un mois et le double d'il y a quatre ans. Fin octobre, le FMI a cédé une grosse quantité d'or (200 tonnes soit 7 millions d'onces), mais au lieu de peser sur le cours, cela n'a fait qu'attirer les acheteurs, en particulier la banque centrale d'Inde, qui a tout pris. On savait depuis longtemps que le FMI était vendeur, mais on ne soupçonnait pas un tel appêtit des pays émergents, pourtant confirmé par l'annonce récente que la Chine a accumulé de l'or en l'achetant directement aux mineurs chinois.
Il semble que les grands pays émergents soient en train de mettre en place un système monétaire international où l'or tiendra une place importante. Si c'est le cas, cela imposera une discipline draconnienne pour les balances des paiements. Les Etats-Unis ont un déficit de leur balance des paiements qui équivaut à 1.000 tonnes d'or par mois, alors que la Réserve fédérale américaine n'en possède que 8.000 tonnes. Ne parlons pas des 3 ou 4 trillions de dollars de dettes officielles américaines vis-à-vis de banques centrales étrangères qui, si elles devaient être soldées en or, nécessiteraient le transport de près de 100.000 tonnes d'or.
En fait, les Etats-Unis devront non seulement équilibrer leur balance des paiements, mais également dégager un excédent pendant très longtemps. La consommation américaine n'a pas fini de baisser. C'est le prix à payer pour que les Etats-Unis dégagent des capacités exportatrices. Le chômage continuera d'augmenter, et il y aura de plus en plus de faillites d'entreprises et de banques. Le dollar va probablement se dévaluer lourdement. Les problèmes de change vont devenir aigus. Cette crise des changes était prévisible car l'économie américaine vit à crédit depuis plus de quinze ans et, depuis deux ou trois ans, n'inspire plus confiance. Elle se déclenche quand les créanciers "coupent les crédits", quand ils préfèrent l'or au dollar, c'est-à-dire maintenant.
Maurice de Boisséson (Octo Finances), La Tribune, 10 novembre 2009